Blogue 5 mai 2023 Dr. Issa Bado
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La biodiversité, un enjeu majeur pour la Francophonie

Dr. Issa Bado

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Dr. Issa Bado

La Francophonie est riche de sa biodiversité variée

La Francophonie représente plus de 40% du nombre total de pays dans le monde. Les 88 États et gouvernements membres se retrouvent ainsi sur les cinq continents de la planète. Leurs différentes zones climatiques et géographiques expliquent la variété et l’ampleur de la biodiversité de l’espace de la Francophonie.

L’Institut de la Francophonie pour le développement durable (IFDD) et l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) ont publié en 2013 deux études mettant en exergue les richesses et les vulnérabilités de la biodiversité ainsi que l’empreinte écologique des pays de l’espace francophone[1]. On y apprend que l’espace de la Francophonie représente 19,4% des terres émergées, 6,9% de la surface des océans, plus de 20% des récifs coralliens et 15% des forêts tropicales.

Chaque pays de la Francophonie possède une variété d’espèces et des écosystèmes unique. Nous pouvons illustrer cela avec quelques exemples. Le Canada possède de vastes forêts boréales et des espèces renommées comme l’ours polaire et le caribou. La République Démocratique du Congo (RDC) possède la deuxième plus grande forêt tropicale du monde. Madagascar est connue pour sa faune et sa flore uniques. La France a une grande diversité de paysages, allant des montagnes aux océans. Le Maroc a non seulement des zones désertiques avec des espèces comme la gazelle dorcas et le fennec, mais également des forêts méditerranéennes. Cette diversité biologique est en déclin à travers les pays.

La biodiversité est plus que jamais en danger en Francophonie et dans le monde

La science a documenté largement la perte croissante de la biodiversité liée notamment à la surexploitation des ressources naturelles, aux changements climatiques, l’introduction d’espèces invasives, la pollution et la forte urbanisation. La Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) a publié un rapport sur l’état de la biodiversité en 2019, à travers lequel il mentionne qu’un million d’espèces animales et végétales sont menacées d’extinction[2]. Ce rapport relève en outre que la superficie des écosystèmes naturels, tels que les forêts et les récifs coralliens, a diminué de 47% par rapport à leur état initial.

Les institutions internationales, régionales et nationales qui s’investissent dans la mise en œuvre des Objectifs de développement durable (ODD) reconnaissent également la perte croissante de la biodiversité. Dans un rapport consacré à l’ODD 15 relatif à la vie terrestre, l’ONU évoque en 2019 un risque d’extinction des espèces qui a augmenté d’environ 10% ces 25 dernières années. Le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), abondant dans le même sens, indique que les terres et les océans de la planète ont perdu plus de la moitié de leur biodiversité d’origine en 2020. Le Fonds mondial pour la nature (WWF), à travers un rapport publié en 2020, souligne que les populations d’animaux sauvages ont diminué de 68% en moyenne entre 1970 et 2016. Selon deux organisations du monde des affaires et de l’écologie, Business for nature et The Be Team, les pays octroient chaque année au moins 1800 milliards de dollars US sous forme de subventions contribuant à la destruction des écosystèmes[3].

Au niveau des pays francophones, la tendance de perte croissante de la biodiversité est réelle. La région du Bassin du Congo, comprenant plusieurs pays francophones, une des régions les plus riches en biodiversité, fait partie également des plus touchées à cause notamment de la déforestation et la chasse illégale. Selon le PNUE, plus de 80 % des récifs coralliens des Antilles françaises ont été endommagés ou détruits en raison de la pollution et du changement climatique. Le lac Tchad partagé par quatre (4) pays francophones, a perdu plus de 90 % de sa superficie depuis les années 1960.

Un cadre d’action ambitieux adopté par la communauté internationale en décembre 2022

Conscient de la perte de la biodiversité et de la menace pour l’équilibre mondial, la communauté internationale a négocié et adopté lors de la 15e Conférence des Nations-Unies sur la Diversité Biologique (CdP15), tenue à Montréal au Canada en décembre 2022, l’Accord Kunming-Montréal portant sur le Cadre mondial de la biodiversité. Cet accord visant à inciter à l’action comporte des cibles et des indicateurs chiffrés, pour freiner et inverser la perte croissante de la biodiversité, afin de contribuer à la « vision à 2050 de vivre en harmonie avec la nature ». Il comprend notamment 4 grands objectifs à long-terme à l’horizon 2050; 23 cibles axées sur l’action à l’horizon 2030; des mécanismes de planification, de suivi, de révision, de rapportage; et des indicateurs à utiliser dans les rapports périodiques nationaux.

Les 196 Parties à la Convention sur la Diversité Biologique (CDB) s’y engagent sur divers enjeux, notamment l’atteinte de la conservation de 30 % des surfaces terrestres et marines à travers un réseau bien relié d’aires protégées (marines, côtières, terrestres, et d’eaux douces) et d’Autres Mesures de Conservation Efficaces par zone (AMCE) au niveau mondial à horizon 2030; la restauration de 30% des écosystèmes dégradés; et l’accroissement des financements à destination des pays en développement pour la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité.

Dans le cadre des négociations visant à adopter ce cadre mondial, l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), à travers l’IFDD, a pendant ces quatre (4) dernières années, renforcé les capacités de plus de 1200 négociateurs-trices de plus de 40 pays francophones, y compris des femmes et des jeunes. En outre, plus de 6 outils d’aide à la négociation ont été mis en place (Guide des négociateurs, Résumés pour les décideurs, etc.). Plus de 10 cadres de concertation ont été mis en place pour faciliter le partage de connaissances et d’expériences sur les enjeux et les priorités en matière de biodiversité.

Passer de la décision ambitieuse à l’action : des défis importants pour les pays francophones

À la suite de l’adoption du cadre mondial, il est attendu des pays la révision de leurs Plans d’action nationaux pour la biodiversité (SPANBs) et le développement de programmes et projets intégrant les priorités nationales de préservation, d’utilisation durable et de partage des avantages issus de l’utilisation de la biodiversité. En outre, sans délai, l’appropriation du cadre et l’action sur le terrain doivent démarrer avec une approche inclusive et multi-acteurs. Les besoins sont nombreux pour les pays en développement francophones pour mettre à jour d’ici 2024 des SPANBs et accélérer l’action sur le terrain.

La mobilisation des financements, le renforcement des capacités et l’innovation constituent, à notre avis, les clés du succès de la mise en œuvre rapide du nouveau cadre mondial. L’engagement des pays à mobiliser 200 milliards de dollars US par an de fonds publics et privés pour le financement de la biodiversité est positif pour les pays qui ont besoin d’un appui. Il sera tout aussi important de traduire en réalité l’objectif de supprimer ou réformer les subventions qui nuisent à la biodiversité à hauteur d’au moins 500 milliards de dollars US par an. Pour ce faire, le nouveau Fonds mis en place sous le Fonds mondial de l’environnement, mécanisme financier du Cadre mondial doit tirer leçons des expériences des mécanismes internationaux comme le Fonds vert climat et éviter que la barrière linguistique limite les capacités à soumettre des projets bancables.

Un engagement réaffirmé de l’OIF dans la transformation des engagements des pays en action concrète

L’OIF à travers l’IFDD réaffirme sa volonté d’accompagner la phase de mise en œuvre de leurs engagements par les pays francophones. En partenariat avec le Secrétariat de la CDB, le PNUE et l’IUCN, l’IFDD a démarré en 2023 le renforcement des capacités des pays pour faciliter l’appropriation d’outils et le partage de bonnes pratiques concernant la mise à jour des Plans d’action nationaux pour la biodiversité et la préparation de cadres de suivi nationaux.

Deux autres dispositifs sont en préparation par l’IFDD pour contribuer à la mobilisation des ressources et à la visibilité de l’action des pays francophones en matière de biodiversité. Le premier est le Pôle Francophone d’accès à la finance durable qui apportera des solutions concrètes en phase avec les besoins identifiées par les pays, à travers notamment l’accès à l’information sur la finance de la biodiversité, la formation des cadres au montage de projets bancables, le renforcement des cadres réglementaires, le plaidoyer en faveur de la levée de la barrière linguistique auprès des investisseurs et en faveur de l’accès direct à des financements innovants et transformateurs.

Le second dispositif est la plateforme numérique Bio Francophonie qui mettra en lumière les objectifs et les cibles du Cadre mondial auprès du grand public francophone. Elle vise à partager des informations, des bonnes pratiques et les initiatives pertinentes relatives à la mise en œuvre du Cadre mondial à travers la Francophonie. Elle diffusera également les opportunités des partenaires techniques et financiers concernant la formation, la finance de la biodiversité et le réseautage au profit des acteurs francophones.

La Francophonie est fortement touchée par la perte de la biodiversité. Il faut compter avec elle pour l’action sur le terrain. La solidarité et la diversité qui la caractérisent seront ses piliers pour la placer au centre des solutions de préservation de la biodiversité mondiale.

Issa Bado
Spécialiste de programme –
Négociations internationales, environnement et développement durable
IFDD

 

[1] IFDD (ex IEPF) et UICN, Biodiversité de la Francophonie : Richesses et vulnérabilités, 2010; IFDD (ex IEPF) et UICN, Atlas de l’empreinte écologique et de la biocapacité des pays membres de la Francophonie, 2013.
[2] IPBES, Rapport de l’évaluation mondiale de la biodiversité et des services écosystémiques, 2019.
[3] Business for nature et The be Team, Financing Our Survival: Building a Nature Positive Economy through Subsidy Reform, 2022.

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