
Optimiste ou pessimiste sur la transition énergétique ?
C’est la question que l’IFDD vient de poser à sa communauté. Et le résultat est sans équivoque. À plus de 80%, les francophones ayant répondu à l’appel s’estiment optimistes quant à la transition énergétique, malgré le ralentissement des progrès vers l’accès universel à l’énergie comme l’a relevé l’édition 2022 du Rapport de suivi consacré aux avancées de l’Objectif de développement durable n° 7 [1] [2].
Cet optimisme, nécessaire pour inspirer le changement, n’empêche pas la communauté francophone d’être consciente des défis à relever. Ce billet voudrait leur donner la parole, pour que puisse s’exprimer la diversité vibrante de leurs points de vue.
« Le challenge à remporter est loin d’être atteint et pas encore suffisamment visé. Il faut enseigner aux consommateurs, avant toute promotion des solutions, ce qu’est une réelle conduite de changement. »
« La plupart des défis à relever dans certaines parties du monde restent et demeurent quasi inefficaces et non efficients pour leurs populations. »
« Il y a beaucoup à faire pour optimiser la consommation d’énergie. Un gros dispositif de sensibilisation et d’information [est nécessaire]. »
« La plupart des pays n’ont pas encore compris l’enjeu majeur du changement climatique. »
« Les progrès et défis à relever demandent encore plus d’effort. »
« La transition énergétique ne doit pas se limiter à l’accès de l’énergie abordable, fiable et durable et à un cout abordable. D’autres enjeux tels que la disponibilité de la matière première nécessaire à la fabrication des équipements permettant de produire de l’énergie verte, ou de réduire la consommation d’énergie, l’énergie grise contenue dans le cycle de vie de ces équipements, etc. sont des aspects qui ne sont pas pris en compte, mais qui devraient l’être. Par ailleurs, il n’y a jamais eu de transition énergétique, les données statistiques montrant qu’au lieu d’une transition, nous avons assisté à chaque fois dans l’histoire à un empilement de consommations énergétiques. »
Ces analyses et les questions qu’elles soulèvent interpellent l’IFDD, et particulièrement son Programme Énergie, dans sa mission quotidienne. Elles nous guident dans l’interrogation permanente de nos activités pour s’assurer que celles-ci répondent à ces préoccupations.
Au-delà du constat, les francophones ont exprimé leurs idées pour aller au-delà de ces défis et atteindre comme nous pouvons l’espérer les objectifs de développement durable (ODD), et en particulier l’ODD 7. Voici ci-dessous quelques-unes de ces opinions.
« Nous avons des ressources [pour y arriver], mais n’avons pas de technologie ad hoc. »
« Les mécanismes nationaux et les politiques nationales d’énergies devant mettre en œuvre cette transition tardent pour être mis en place, les populations rurales ne sont presque pas informées des enjeux et impacts environnementaux quant à l’utilisation irrationnelle des ressources naturelles et l’exploitation illicite du bois. Il faut que tous les acteurs s’impliquent pour l’effectivité de cette transition. »
« Dans plusieurs pays, le secteur [de l’énergie] peine à être pris par les partenaires privés bien que le secteur est libéralisé. Cette nonchalance est due au manque d’une bonne politique du secteur et l’électricité est toujours privilégiée dans les villes au détriment des villages éloignés. Il faut revoir la stratégie pour atteindre les objectifs fixés à l’horizon 2030. »
« La dépendance excessive des énergies fossiles et l’intermittence des certaines sources renouvelables ralentissent les processus de la transition énergétique. »
« Pour les pays occidentaux, notamment européens, la crise en Ukraine a fait naître des peurs (plus ou moins rationnelles) de dépendance énergétique trop forte de la Russie. Pour les pays africains, la transition énergétique pose la question de l’exploitation des ressources fossiles et du transfert de technologie. Pour les PEID, la transition énergétique est un enjeu de survie et d’indépendance énergétique. »
« La transition énergétique est vécue comme une préservation de l’écosystème pour les générations futures. Il y a tout de même des points de vigilance quant aux systèmes de financement et la pression mise sur les pays en voie de développement pour la transition énergétique. Le système de financement peut étouffer l’économie de certains dans des années à venir parce qu’elles seront très endettées vers l’extérieur pour une transition énergétique qui n’aurait encore pas atteint son niveau de stabilité. »
« Mon entourage est pessimiste quant à ce qui est de l’atteinte de cet objectif ; position liée à la mauvaise gouvernance par les dirigeants. »
« Les politiques locales ne favorisent vraiment pas cette transition énergétique pour l’instant. Néanmoins, on reste optimiste car, on sait qu’un jour on aura l’opportunité de faire changer positivement les choses. »
« [On a l’] envie d’agir mais [nous faisons face à une] administration compliquée qui bloque le changement. »
« Ce n’est pas évident chez moi. Le secteur énergétique n’est pas libéralisé. Du coup, vous ne pouvez pas remplacer votre alimentation énergétique par l’énergie solaire par exemple sous peine d’amende. »
« Tout le monde fait l’effort de jouer sa partition afin que cette transition soit une réalité. Nous pouvons constater que même les ménages à faibles revenus journaliers s’offrent des applications d’énergies renouvelables (kits solaires, foyers améliorés…) »
« [Il est] très pénible de vivre dans la tracasserie énergétique qui, freine le développement personnel, d’une entreprise, des Associations et de l’État. »
« À mon échelle, étant ressortissant de l’Afrique subsaharienne et y vivant, l’on note que malgré les efforts consentis, cette partie du monde est à la traine en matière d’accès à de l’énergie fiable, durable et à moindre. Cela est dû notamment au faible flux des investissements dirigés vers cette partie du monde. Par ailleurs, la transition énergétique ne devrait y être limitée aux énergies renouvelables et à l’efficacité énergétique. L’Afrique subsaharienne pour son développement se doit de diversifier ses sources de production d’énergie qui combine tant le renouvelable que du fossile que je qualifierai de propre, en l’occurrence le gaz naturel. A l’échelle locale la transition énergétique doit faire la part belle aux systèmes décentralisés, notamment en zone rurale. Cela se note actuellement sur le terrain avec comme seul bémol, la lenteur dans le processus d’électrification ainsi que les difficultés d’accès au financement permettant un accès universel à tous. »
« La transition demande des changements de comportements. Ce processus est trop long par rapport aux impératifs climatiques. »
« Les pays africains n’ont pas encore bien instauré cette notion [de transition énergétique]. Les efforts restent à fournir au niveau de formation des populations sur les technologies permettant l’accès à la transformation énergétique telles que la fabrication de panneaux solaires, la technologie Li-Fi, la valorisation énergétique des déchets. D’autre part, nos gouvernements ainsi que les organismes internationaux devraient revoir les textes juridiques et le processus d’accompagnement des entreprises en exercice ou au démarrage. Il faut penser à établir un cadre réglementaire pour la valorisation de ces secteurs d’activité. »
Ces réflexions et les thématiques relevées, à coup sûr, vont alimenter la programmation des activités de l’IFDD. Au sein du programme Énergie, nous travaillons déjà autour des enjeux suivants :
- le financement ;
- la formation et la sensibilisation des acteurs ;
- la planification du secteur ;
- le cadre réglementaire ;
- le transfert de technologie.
À travers nos formations, projets, séminaires, publications, entre autres, nous allons continuer à travailler pour inspirer dans l’espace francophone des changements structurels ainsi que des actions structurantes pour une transition énergétique juste pour toutes et tous.
[1] : Compte rendu : ralentissement des progrès vers l’accès universel à l’énergie
[2] : Portail de suivi consacré aux avancées de l’Objectif de développement durable n° 7