Ibrahima Dabo, de nationalité sénégalaise, est un ingénieur électricien qui a rejoint l’IFDD en 2009 comme Spécialiste de Programme, en charge de questions sur l’accès, la réglementation, la planification ou encore la tarification dans le secteur de l’énergie.
M. Dabo totalise près de 35 années d’expérience cumulées dans les secteurs privé, public ainsi que dans des organisations sous-régionales. Sa connaissance du secteur énergétique africain est vaste pour avoir suivi plusieurs grands projets d’intégration sous-régionale (OMVS[1], OMVG[2], PEC[3]/UEMOA, EEEOA[4]/CEDEAO, etc.). Il possède également de solides connaissances dans les domaines de l’environnement et du développement durable.
Ce passionné des questions énergétiques nous parle aujourd’hui des efforts et engagements des pays africains vis-à-vis de l’Accord de Paris, ainsi que de son opinion d’énergéticien, très au fait de la situation du continent, dans le contexte crucial du premier bilan mondial.
Pouvez-vous nous rappeler en deux mots les objectifs de l’Accord de Paris?
L’Accord de Paris est un traité international sur les changements climatiques adopté en décembre 2015 dont l’objectif primordial est de maintenir « l’augmentation de la température moyenne mondiale bien en dessous de 2°C au-dessus des niveaux préindustriels » et de poursuivre les efforts « pour limiter l’augmentation de la température à 1,5°C au-dessus des niveaux préindustriels. »
Quels sont les engagements pris par les pays africains vis-à-vis de cet Accord?
En tant que signataires de ce Traité, les pays africains, à l’instar de la communauté internationale, ont exprimé leur engagement envers la réduction des émissions de gaz à effet de serre, l’adaptation aux changements climatiques et le renforcement de la résilience.
Concrètement, à travers leurs Contributions déterminées au niveau national (CDN), ils ont eu à détailler les efforts qu’ils vont déployer dans le sens de l’atteinte des objectifs de l’accord de Paris, en prenant en compte leurs potentiels mais aussi les défis spécifiques auxquels ils sont confrontés comme leur vulnérabilité aux événements climatiques extrêmes.
Que devrait être le positionnement des pays africains dans le contexte du premier bilan mondial?
C’est une question très délicate car aucun pays n’est aligné sur une trajectoire de réchauffement limitée à 1,5 °C. Selon l’ONU, en se fondant sur un premier bilan de la mise en œuvre de l’accord de Paris de 2015, publié le 8 septembre 2023, les pays du monde entier doivent faire « beaucoup plus, maintenant, sur tous les fronts » en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Les pays africains ne devraient donc pas être en reste et il est attendu qu’ils fournissent des efforts au même titre que les autres pays.
Il me parait qu’au-delà des questions liées à la responsabilité historique des pays du Nord, ils devraient se positionner sur les sujets de l’équité et de la justice climatique. Le plaidoyer sur ces sujets devrait leur faciliter l’accès au financement climatique en vue de leur adaptation aux changements climatiques et le renforcement des capacités techniques et institutionnelles qui constituent des priorités pour eux.
Que diriez-vous sur la transition énergétique en Afrique en particulier pour les pays dotés en hydrocarbures?
L’Objectif de développement durable (ODD) n°7 qui vise à « garantir l’accès de tous à des services énergétiques fiables, durables et modernes, à un coût abordable » devrait être le fil conducteur de la transition énergétique. Il s’agit principalement de : 1) garantir l’accès de tous à des services énergétiques 2) accroître la part de l’énergie renouvelable et 3) d’augmenter le taux de l’efficacité énergétique.
L’Afrique est caractérisée par, d’une part, sa faible contribution aux émissions de gaz à effet de serre (environ 4% des émissions mondiales) et d’autre part, son très faible taux d’accès à des services énergétiques modernes malgré le fait de disposer d’un important potentiel d’énergies renouvelables (solaire, éolien, géothermie et hydraulique) qui sont devenues très compétitives par rapport aux ressources fossiles. Il faut aussi souligner que l’Afrique fait partie des régions les plus vulnérables aux impacts du changement climatique, malgré sa faible contribution aux émissions. Les pays africains subissent déjà des effets dévastateurs tels que des phénomènes météorologiques extrêmes, des pénuries d’eau, des sécheresses et des perturbations dans l’agriculture.
En prenant en considération tous ces éléments, les pays africains doivent avoir les moyens d’améliorer le taux d’accès aux énergies modernes (électricité, cuisson propre…) mais aussi pour disposer de ressources leur permettant de financer leur développement socio-économique. Ils devront également orienter intelligemment leurs investissements vers des sources d’énergie renouvelable et diversifier leur mix énergétique. Ils réduiront ainsi leur empreinte carbone tout en créant des emplois locaux et en renforçant leur résilience face aux fluctuations des prix des hydrocarbures mais aussi face aux phénomènes météorologiques qui affectent la vulnérabilité des systèmes énergétiques traditionnels (réseaux de transport électrique qui s’écroulent à cause des vents extrêmes, sécheresse qui affectent les ouvrages hydroélectriques, …). Enfin, étant donné que les ressources énergétiques (notamment fossiles) sont inégalement réparties, la coopération sous-régionale devrait permettre d’optimiser les infrastructures, de faciliter les investissements et conséquemment, de lutter contre les changements climatiques.
[1] Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal
[2] Organisation pour la mise en valeur du fleuve Gambie
[3] Programme énergétique communautaire de l’UEMOA
[4] Système d’échange d’énergie électrique de la CEDEAO